Le chercheur de l'INSERM de Lille - Nicolas Sergent
LA PARALYSIE SUPRANUCLEAIRE PROGRESSIVE
Qu’est-ce que la PSP ?
Une maladie
récente, quoique….
En raison de
l'ophtalmoplégie supranucléaire qui la
caractérise, il est estimé que la maladie a été décrite pour la première fois
en 1904, bien que des recherches d’antériorité permettent d'évoquer des cas de
PSP probable dès le milieu du 19ème siècle. Même si ce débat de l’antériorité
n’est pas anodin, la PSP ne sera toutefois identifiée qu'en 1964 comme une
maladie à part entière, et donc comme une entité nosologique spécifique
par les trois Professeurs neurologues Steele, Richardson et Olszewski, qui lui
ont donné leurs noms. La PSP, paralysie supranucléaire progressive, est donc à
ce titre appelée aussi maladie de Steele, Richardson et Olszewski.
Aux
États-Unis comme en Europe où la maladie est maintenant mieux reconnue, bien
que souffrant encore d'une insuffisance de dépistage, on estime à plusieurs
dizaines de milliers les personnes qui en seraient atteintes de chaque coté de
l’Atlantique (40 à 60 000, selon les estimations).
La PSP
provoque des lésions du tronc cérébral affectant progressivement l’équilibre,
la vue, la mobilité, la déglutition et la parole.
La PSP
demeure toutefois méconnue et quand elle se déclare, elle est encore mal
diagnostiquée avec pour conséquence des traitements initiaux souvent mal
adaptés. Ainsi, la plupart des patients atteints de PSP rapportent que leur médecin
généraliste ignorait tout de cette maladie jusqu'à ce que le diagnostic soit
fait par un neurologue et avec l'aide d'examens par IRM.
Une maladie
rare et orpheline.
La PSP peut
être difficile à reconnaître car, au moins en début de maladie, les troubles
initiaux sont également présents dans d’autres maladies neurodégénératives,
comme pour les plus connues celles de Parkinson et d'Alzheimer, mais aussi
comme celles de l'AMS (Atrophie Multi-Systèmatisée), ou la DCB (Dégénérescence
Cortico-Basale), cette dernière est d'ailleurs tellement proche de la PSP, que
certains scientifiques se posent la question si la DCB ne serait pas une sorte
de variante de la PSP.
L'errance de
diagnostic demeure encore importante, en moyenne plus de 3 ans, avec de fortes
disparités, et ce malgré l’élément important pour la pose du diagnostic de la
PSP qu’est l'aimantation du regard.
On considérait il y a peu de temps encore que seuls 10% des cas étaient
correctement diagnostiqués et que la PSP pourrait représenter entre 5 et 10%
des syndromes parkinsoniens. Dans le cas de la DCB, des médecins expérimentés
se trompent dans plus de 50% des cas[1].
Même si la
maladie est maintenant mieux reconnue, elle demeure encore bien souvent
insuffisamment bien dépistée. Nous savons qu’elle touche un peu plus les hommes
que les femmes (écart estimé environ 4%).
Le nombre de
cas de PSP en France est difficile à évaluer. Il est toutefois avancé une
prévalence de 4,9 pour 100000, ce qui porterait à environ 5000 le nombre de
patients. Cependant nous pouvons craindre que ce chiffre ne soit hélas
très sensiblement inférieur à la réalité du nombre de patients touchés
par la PSP. Il y a peu de temps encore nous estimions le nombre de cas
entre 5000 et 10000. Selon les indicateurs de l'association PSPA au Royaume Uni, même cette estimation serait à multiplier par plus de 2 pour des
pays comme les nôtres.
Aussi nous
invitons chaque famille atteinte par la pathologie à rejoindre l'association : pouvoir
se dénombrer c'est déjà pouvoir peser sur les volumes d'équipements, sur les
prises en charges et sur la recherche médicale.
Une maladie est classifiée comme étant "rare" lorsque le nombre de malades dans une population donnée
est inférieur à 1 personne sur 2000 (critère européen). Le seuil de
rareté d'une maladie est donc en France d'environ 30000.
Elle est aussi d'autre part une maladie orpheline car à ce jour aucun
médicament n'a pu démontrer une efficacité thérapeutique avérée dans le
traitement de la PSP. Cette absence de traitement spécifiquement adapté à
sa pathologie est, pour le malade et sa famille, la source de bien des
désarrois, nécessitant également une prise en charge de celui ou celle qui
accompagne et aide le malade au quotidien.
Alzheimer
est une maladie orpheline, mais elle n'est pas rare, hélas, et la recherche, y est importante.
Par contre, la PSP est une maladie rare et orpheline, et c'est pour lui faire
perdre son caractère d'orpheline que l'association souhaite se battre, avec le
plus grand nombre, en suscitant cette même volonté auprès des
décideurs des politiques médicales, sanitaires et de la recherche.
Une symptomatologie lourde pour le malade et pour son entourage.
La PSP se
caractérise par une dégénérescence neurofibrillaire et une perte neurale dans
le tronc cérébral, les noyaux gris centraux, le cortex frontal moteur et
associatif. La pathologie se propage ensuite vers les autres régions du
néocortex.
Elle affecte ainsi progressivement l’équilibre, la vue, la mobilité, la
déglutition et la parole.
Au nombre des symptômes et signes cliniques, nous pouvons citer :
- une perturbation de l'équilibre allant jusqu'aux chutes (signe précoce)
- modifications du comportement : apathie, impulsivité allant rarement jusqu'à l' agressivité
physique
- comportement de préhension : les personnes atteintes ne peuvent s'empêcher de
saisir les objets à leur portée
- aimantation du regard : la personne montre des difficultés à bouger son
regard, surtout de haut en bas
- instabilité de l’attention et élocution très monotone
- présence d'un syndrome dysexécutif : persévérations, perturbation du
jugement, difficultés à résoudre des problèmes.
La PSP n’est pas héréditaire et laisse au malade qui en est atteint toute sa
conscience et donc toute sa capacité à souffrir de l'état dans lequel il se
voit, à toutes les phases de l'évolution de la maladie. Comme la DCB, la PSP
est une maladie de mauvais pronostic, avec une évolution par paliers, très
invalidante et dont seuls les symptômes peuvent à ce jour être traités.
Les symptômes les plus précoces sont un ralentissement intellectuel, des
modifications du comportement pouvant se manifester sous forme d'une perte
d'intérêt pour les activités journalières ordinaires ou d'une irritabilité et
d'une susceptibilité croissantes. Ces troubles comportementaux font penser à un
état dépressif. L'élocution change, elle aussi, avec une impression de
bégaiement, de nasillement et de difficultés à émettre des phrases compréhensibles.
Ainsi ces
symptômes donnent une fausse impression de sénilité. Mais le symptôme le plus
impressionnant est la perte d'équilibre à la marche, responsable de chutes
inexpliquées, la perte d'équilibre s'aggrave au point de rendre la marche
difficile voire impossible.
A ces troubles de la mobilité viennent s'ajouter des troubles plus insidieux
tels que des difficultés visuelles. Ces problèmes visuels résultent d'une
incapacité à guider les yeux correctement du fait de la faiblesse ou de la
paralysie des muscles qui contrôlent les globes oculaires.
Enfin comme les troubles de la vision, les troubles de la déglutition font
partie des symptômes plus tardifs de la maladie, ceux-ci pouvant entraîner des
" fausses routes " alimentaires. Ces fausses routes sont à prendre
très au sérieux car elles entraînent des risques d’infections pulmonaires et
d’asphyxie par étouffement. Ce sont d'ailleurs des causes fréquentes de décès
en fin d'évolution de la maladie.
Lorsque les fausses routes deviennent trop importantes, il y a lieu de recourir
à un aspirateur trachéal (aspirateur à mucosités) et
pour conserver une alimentation correcte du malade il doit être envisagée la
pose d'une sonde gastrostomique.
Tous ces
symptômes découlent d'une paralysie ciblant de façon privilégiée les muscles
opérant dans le plan sagittal.
Les soins à prévoir sont de types palliatifs car ils viseront à ralentir
l'évolution des symptômes et plus encore à s'y adapter afin que le patient
puisse vivre le mieux possible avec son handicap évolutif, période et moment
après période et moment.
Les
perspectives thérapeutiques
Les
traitements actuels sont essentiellement symptomatiques. Ils cherchent à lutter
contre la gêne occasionnée par la maladie et à adapter le malade au mieux de
ses capacités du moment. A ce titre la famille et l'entourage du patient sont
essentiels, mais ils doivent eux-mêmes être soutenus et aidés dans cette lutte
au quotidien.
La recherche
vise à mieux comprendre les mécanismes de la dégénérescence neuronale, afin de
ralentir l’évolution de la maladie.
Un règlement sur les médicaments orphelins a été adopté par le parlement
européen depuis le 15 décembre 1999.
Le projet européen NIPPS, portant sur 800 patients s’est proposé en 2001
d’étudier les spécificités cliniques, cognitives, neuro-radiologiques et
histologiques de la PSP. Même si les essais n’ont pas apporté les effets
positifs escomptés avec le Riluzole, les résultats définitifs ne sont toujours
pas publiés à ce jour même s’il est fait de plus en plus de communications
partielles en raison de l’ampleur des progrès de connaissance que cette étude à
induite et qui demeure encore actuellement être une source de connaissance pour
la compréhension de la PSP et maladies apparentées.
Des recherches sont également réalisées sur la nature des troubles oculomoteurs
et de l’équilibre qui sont caractéristiques de l’affection.
Bien que non
héréditaire, il est mené pour la PSP des recherches sur d'éventuelles
prédispositions afin de déterminer, comme pour toute maladie encore
insuffisamment connue, la part d'héritabilité. Héréditaire s'emploie souvent comme raccourci pour une
héritabilité forte, de 100 % ou très voisin.
L'héritabilité, elle, est définie comme la part de variance expliquée chez les
descendants, dans une analyse de la variance par le facteur génétique (ANOVA) : "une maladie peut être héritable (un ou
plusieurs gènes y prédisposent) sans être transmise avec certitude à la
descendance".
Les facteurs environnementaux font également partie des recherches menées pour
déterminer leur impact possible comme facteurs de prédisposition ou de
déclenchement de la maladie.
Dans les
années 1980, la dégénérescence neurofibrillaire est associée à la
protéine tau qui, longtemps négligée par la recherche, suscite aujourd’hui un
regain d’intérêt.
La protéine tau, comme toutes les autres protéines, est codée par nos gènes. Le
gène codant la protéine tau est situé sur le chromosome17.
Tout être humain fabrique de la protéine tau qui est normalement non pathogène
et qui même si avec l'âge, elle devient pathogène, elle demeure normalement non
toxique car sans expansion dans le système nerveux. Les mécanismes qui
président au passage de la situation non pathogène de la protéine Tau à
pathogène puis de pathogène à toxique, demeurent encore inexpliqués.
L'association
PSP France suit les travaux de recherche menés dans le monde sur la PSP et depuis 2011 y contribue activement en à travers des appels à projet recherche, grâce aux dons de ses adhérents.
Dans le
cadre du plan National Maladies Rares, reconductible en 2010 pour cinq ans, un centre de Référence PSP (centre d'expertise) a été mis en
place en France depuis mai 2007.
Douze centres de Compétences, associés au Centre de Référence, ont également été créés depuis mars 2009 afin de constituer un réseau national des Centres
de Référence et de Compétence pour les PSP/DCB.
Ce dispositif, repris à l’échelle européenne, est le cadre de l’expertise de la
maladie dans lequel il sera décidé des améliorations de prises en charge, de
traitements et de recherches. La présence prévue des associations de malades y
est indispensable afin d’assurer aux patients qu’elles représentent la
pérennité des dispositions prises.
L'association PSP France est à ce jour la seule association de malades présente
au sein de ce réseau pour les «démences rares» [2] (classement nosologique).
Enfin de très nombreuses études et recherches sur le cerveau permettent de
comprendre de mieux en mieux les mécanismes complexes de son fonctionnement et
de son dysfonctionnement. Il y a lieu de penser qu'à terme ces travaux
déboucheront sur des thérapies d'autant plus intéressantes qu'elles
concerneront tout un ensemble de maladies neurodégénératives, dont la PSP et
autres taupathies.
Nos contacts avec le monde médical et scientifique nous permettent de fonder et
de porter de légitimes espoirs en la matière.
Il est
toutefois indispensable que les malades et leur famille se mobilisent malgré
toute la dureté de cette maladie et les difficultés qu'elle génère. En effet,
dans le contexte actuel, seuls les groupes de pression que constituent les
associations permettront aux malades de ne pas être laissés au bord du chemin
des progrès de la médecine.
[1] Litvan I, and others. Accuracy of the clinical diagnosis of
corticobasal degeneration : a clinicopathologic study. Neurology 1997: 48: 119-125
[2] Les termes de «démences rares» relèvent de la nosologie. Ils
n’ont pas le sens du langage courant. Nous regrettons toutefois que l’HAS
(Haute Autorité de Santé) n’ait pas pris en compte le sens ordinaire des mots
et de leur dimension humaine pour dénommer les Centres de Référence et de
Compétence qui traitent la PSP et autres taupathies apparentées.
-- Ci-dessous, un lien vers un article concernant la biologie des maladies neuro-dégénératives